Introduction
Le troisième volet du rapport du GIEC évalue les aspects scientifiques, technologiques, environnementaux, économiques et sociaux de l’atténuation des changements climatiques – c’est à dire (principalement) des moyens de réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Le rapport ne contient pas de recommandations sur les choix à mettre en place pour réduire ces émissions. Il évalue chacune des options possibles, à différents niveaux de gouvernance et dans différents secteurs économiques.
Ce troisième volet du rapport se divise en trois grandes parties :
1) L’évolution et les origines des émissions de gaz à effet de serre passées
2) Les évolutions futures des émissions de gaz à effet de serre
3) Les stratégies pour réduire ces émissions par secteur d’activité
Une dernière partie propose un panorama des politiques de réduction des émissions
L’atténuation, concept central du rapport, est définie comme « l’intervention humaine pour réduire les sources ou augmenter les puits de gaz à effet de serre ». Un puits de gaz à effet de serre est un réservoir, naturel ou artificiel, de gaz à effet de serre. Ces puits sont aujourd’hui principalement les océans, les sols, ou certains espaces végétalisés (forêts en formation).
L’atténuation contribue à l’objectif de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique (causée par les activités humaines) dangereuse du système climatique ».
Le GIEC rappelle qu’il n’y aura pas de politique d’atténuation efficace si les acteurs individuels défendent uniquement leurs intérêts propres.
Le changement climatique au sens large est un problème global, puisque les émissions de chaque acteur ont des répercussions sur tous les autres acteurs. Une coopération internationale est donc requise pour réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre.
Le GIEC rappelle que dans la mesure où les contributions passées et futures des pays à l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne sont pas les mêmes, un répartition des efforts considérée comme équitable par tous pourra conduire à une coopération plus efficace.
Cette coopération et la réduction des émissions de gaz à effet de serre présentent de nombreux cobénéfices, qui pourront motiver l’intérêt de développer rapidement des politiques climatiques ambitieuses. En effet, ces politiques peuvent largement influencer l’atteinte d’objectifs dans des domaines liés à la santé humaine, la sécurité alimentaire, la biodiversité, la qualité de vie, l’accès à l’énergie, etc.
Évolution et origines des émissions de gaz à effet de serre
Les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique, c’est à dire liées aux activités humaines, ont largement augmenté entre 1970 et 2010, avec une hausse de plus en plus rapide lors des dernières décennies.
Malgré la mise en place de plus en plus fréquente de politiques visant à les réduire, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 2,2% par an entre 2000 et 2010 ; c’est plus que sur la période 1970-2000, au cours de laquelle ces émissions ont augmenté en moyenne de 1,3% par an.
La crise économique de 2007/ 2008 a légèrement réduit ces émissions, mais il ne s’agissait que d’une baisse épisodique liée à la crise.
Sur la période évaluée par le GIEC (1970-2010), 78% de la hausse des émissions totales de gaz à effet de serre peut être attribuée à l’usage de combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz par exemple) et aux procédés industriels.
En 2010, les émissions totales ont ainsi atteint 49 milliards de tonnes équivalent CO2. La répartition des émissions de gaz à effet de serre en 2010 était la suivante :
Cette hausse des émissions de gaz à effet de serre s’explique principalement par deux raisons : la croissance économique et la croissance démographique. Ces deux phénomène ont largement contribué à l’augmentation de la combustion d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz, etc.).
Sans efforts supplémentaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la croissance de ces émissions devrait continuer.
Si on n’agit pas pour réduire nos émissions, on pourrait se diriger vers une hausse de la température moyenne d’environ 3,7 à 4,8°C d’ici la fin du siècle (par rapport aux températures de la fin du XXème siècle).
Depuis 2000, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté dans tous les secteurs de l’économie (hormis en ce qui concerne l’utilisation des terres, de leurs changements d’affectation, et la forêt). Le graphique ci-contre montre la répartition des émissions par secteur économique en 2010.
Évolutions futures des émissions de gaz à effet de serre
Pour évaluer les trajectoires possibles dans le futur, le GIEC a évalué environ 900 scénarios de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les scénarios analysés impliquent donc une très large variété de trajectoires et de choix technologiques, socio-économiques et institutionnels.
Ces scénarios cherchent à montrer quelles seront les concentrations atmosphériques (l’unité retenue est « équivalent CO2 ») à la fin du 21ème siècle, pour analyser ensuite les probabilités de pouvoir maintenir la hausse des températures en deçà de +2°C.
Les scénarios de réductions des émissions dans lequel l’objectif de 2°C est probable impliquent que les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre (équivalent CO2) soient maintenues à un niveau d’environ 450 ppm.
Dans les scénarios où ces concentrations atteignent 530 à 650 ppm, les chances de respecter l’objectif de maintien de la hausse de températures à 2°C sont inférieures à 50% de chances (plus improbable que probable).
Si ces concentrations dépassent 650 ppm en 2100, alors il est improbable (-33% chances) que l’objectif commun de maintien des températures à +2°C soit atteint.
En 2009 lors de la conférence mondiale de Copenhague (COP15), les pays du monde entier se sont mis d’accord pour limiter la hausse des températures à 2°C. Au-delà de ce seuil, les changements climatiques auront des conséquences irréversibles sur l’environnement.
Pour avoir de bonnes chances de rester sous la barre des 2°C, il est nécessaire de maintenir le niveau des concentrations atmosphériques autour de 450pmm d’ici la fin du 21ème siècle.
Les scénarios qui respectent ces objectifs nécessitent de fortes réductions de nos émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines décennies notamment en procédant à des changements très importants dans les systèmes de production d’énergie, ainsi que dans l’usage des terres.
Ces scénarios requièrent aussi des améliorations rapides de l’efficacité énergétique, et une multiplication par 3 ou 4 de la part des énergies sobres en carbone dans la production d’énergie d’ici à 2050 (le GIEC précise qu’il considère comme « énergie sobres en carbone » les énergies renouvelables, mais aussi le nucléaire, la bioénergie, et l’utilisation de technologie de capture et stockage de carbone dites CSC).
Les scénarios qui permettent de respecter l’objectif de 2°C (et qui ont un bon rapport cout-efficacité) impliquent de ne pas dépasser des niveaux d’émissions mondiales annuelles de 30 à 50 milliards de tonnes CO2eq (équivalent CO2) en 2030.
Pour atteindre cet objectif, il faudra réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 40% à 70% en 2050 (par rapport aux niveaux de 2010), et atteindre des niveaux d’émission proches de zéro en 2100.
Si nous retardons les efforts de réduction des émissions jusqu’en 2030, il sera beaucoup plus difficile de maintenir la hausse des températures à un maximum de +2°C.
Les scénarios de réduction des émissions qui respectent l’objectif de 2°C permettent également de réduire les couts nécessaires pour améliorer la qualité de l’air et être en situation de sécurité énergétique. Ces scénarios présentent aussi des cobénéfices considérables pour la santé humaine, les écosystèmes, etc.
Stratégies et mesures d’atténuation par secteur
Dans les scénarios de référence, on prévoit deux grandes tendances pour le 21ème siècle :
– Les émissions de gaz à effet de serre vont augmenter dans tous les secteurs d’activité, sauf dans le secteur de « l’usage des terres, se changements et des forêts ».
– Les émissions du secteur de l’approvisionnement en énergie (production d’électricité, de chaleur, etc.) vont rester la principale source d’émission de gaz à effet de serre.
Pour pouvoir atteindre l’objectif de 2°C en 2100, il faudra réaliser des changements mondiaux de grande échelle dans le secteur de l’approvisionnement en énergie.
Les émissions mondiales de CO2 issues de la production d’énergie devront diminuer dans les prochaines décennies et baisser de 90% d’ici 2070 (par rapport aux niveaux de 2010).
Les améliorations de l’efficacité énergétique et les changements de comportement sont les clés d’une stratégie d’atténuation visant à réduire la consommation d’énergie. Ces améliorations permettront d’atteindre les objectifs climatiques de la communauté internationale (+2°C).
Les stratégies d’atténuation les plus rentables impliquent une réduction à court terme de la demande en énergie, offrant plus de flexibilité pour ensuite réduire les émissions dans le secteur de l’approvisionnement.
Cette baisse de la demande peut être atteinte en modifiant notamment les habitudes de consommation, les régimes alimentaires, ou encore en diminuant le gaspillage alimentaire. Ces changements de comportements peuvent être largement aidés par des incitations financières et non financières (avec des mesures informatives par exemple).
Si on ne change rien au modèle actuel, les émissions directes de CO2 du secteur de l’approvisionnement en énergie devraient continuer à augmenter. On s’attend à ce qu’elles soient multipliées par deux ou trois d’ici 2050 (par rapport au niveau de 2010), si on n’accélère pas les mesures d’efficacité énergétique.
Miroir de la consommation, la production d’énergie est le premier grand responsable des émissions de gaz à effet de serre.
Au début du siècle (2000-2010), la part du charbon a considérablement augmenté dans le bouquet énergétique, contribuant ainsi à accroitre les émissions dans le secteur de l’approvisionnement en énergie.
Dans les scénarios de référence, les émissions directes de CO2 du secteur devraient continuer à augmenter. On s’attend à ce qu’elles soient multipliées par deux ou trois d’ici 2050 (par rapport au niveau de 2010), si on n’accélère pas les mesures d’efficacité énergétique.
La réduction de l’intensité carbone de la production d’électricité constitue donc un élément essentiel des stratégies de réductions des émissions de gaz à effet de serre.
Un effort de réduction des émissions sera indispensable pour atteindre l’objectif de 2°C.
En parallèle, la part des énergies non carbonées dans la production d’électricité devra largement augmenter, pour passer de 30% aujourd’hui à plus de 80% en 2050.
Depuis le 4ème rapport du GIEC (daté de 2007), les énergies renouvelables ont connu de nombreuses améliorations en termes de performances, et une forte réduction de leurs coûts. Un nombre croissant de ces technologies est parvenu à maturité, autorisant leur déploiement à grande échelle.
Le nucléaire, pour sa part, a vu sa part dans la production d’électricité mondiale décliner. Pour le GIEC, s’il s’agit d’un mode de production d’électricité à faible carbone, le nucléaire est confronté à de nombreux obstacles, notamment les risques concernant la sécurité opérationnelle, les risques liés aux mines d’uranium, les risques financiers et de régulation, les problèmes de traitement des déchets, les problèmes de prolifération des armes nucléaires, et l’opinion publique contraire.
Les émissions de gaz à effet de serre de la production d’énergie peuvent être fortement réduites en remplaçant les centrales à charbon par des centrales à cycle combiné au gaz, ou par des installations de cogénération, à condition de baisser les émissions liées à l’extraction et au transport du gaz.
Dans les scénarios qui atteignent l’objectif de 2°C, le gaz est utilisé comme une technologie de transition.
La hausse globale du nombre de passagers et des activités de fret va conduire à une hausse des émissions du secteur. Mais cette hausse pourra être compensée par :
Ces mesures devront enfin conduire à des changements dans les comportements individuels, et seront porteuses de cobénéfices économiques et sociaux.
En développant ces axes, il serait possible de réduire les émissions de CO2 du secteur des transports de 15 à 40% d’ici 2050 par rapport aux niveaux projetés dans les scénarios de référence.
Les progrès récents offrent cependant les technologies, les savoir-faire et les mesures politiques nécessaires pour stabiliser voire réduire les consommations d’énergie :
Comme dans les transports, ces mesures s’accompagneront d’importants cobénéfices, comme l’amélioration de la sécurité énergétique et de la santé, une meilleure productivité au travail, la réduction de la précarité énergétique, ainsi que des créations nettes d’emploi.
Dans les pays développés, les changements de comportements individuels pourraient également permettre de réduire la demande d’énergie de près de 50% d’ici 2050.
L’urbanisation est une grande tendance mondiale : en 2011, plus de 52% de la population vivait dans des zones urbaines. En 2050, la population urbaine devrait atteindre 64 à 69% de la population mondiale.
Les deux prochaines décennies présentent donc une fenêtre importante pour développer des mesures d’atténuation dans les zones urbaines, notamment grâce à des politiques intégrant la colocalisation des zones de hautes densités résidentielles et des zones de fortes densités d’emploi.
L’intensité énergétique du secteur de l’industrie pourrait être réduite de 25% par rapport au niveau actuel, notamment grâce à :
La baisse des émissions dans ce secteur sera atteinte grâce à la diminution du rythme de la déforestation et à l’accélération du reboisement.
Les options les plus « rentables » pour l’atténuation dans ce secteur sont :
Panorama des politiques de réduction des émissions
Réduire les émissions de gaz à effet de serre requière de nouvelles formes d’investissements. Pour atteindre l’objectif de 2°C, le Giec montre qu’il faudra des changements conséquents dans les flux d’investissements annuels entre 2010 et 2029.
Au cours de ces deux prochaines décennies, les investissements dans les énergies fossiles (destinés à produire de l’électricité) devront baisser annuellement de 30 milliards de dollars, pour atteindre une baisse de 20% en 2029 (par rapport à 2010).
A titre de comparaison, les investissements annuels mondiaux dans les systèmes énergétiques s’élèvent aujourd’hui à environ 1200 milliards de dollars.
Dans le même temps (dans les deux décennies à venir), les investissements dans l’approvisionnement en électricité à faible émission de carbone (les énergies renouvelables notamment) devront connaître une hausse annuelle de 147 milliards de dollars (soit une hausse de 100% par rapport à 2010).
Enfin, les investissements dans l’efficacité énergétique des transports, des bâtiments et de l’industrie devront augmenter d’environ 336 milliards de dollars par an.
En 2012, 67% des émissions globales de gaz à effet de serre étaient soumises à des législations ou à des stratégies nationales d’atténuation, contre seulement 45% en 2007.
Cependant, la tendance historique à la hausse des émissions de gaz à effet de serre ne s’est pas inversée, malgré ces plans nationaux et infranationaux. De plus, dans de nombreux pays, ces plans et ces stratégies restent à un stade de développement très peu avancée, et ont par conséquent un impact très faible sur les émissions mondiales.
Le GIEC a également constaté que des politiques sectorielles, c’est à dire consacrée à un secteur de l’économie, ont été plus largement mises en place que des politiques visant l’ensemble des secteurs, et donc l’ensemble de l’économie. Cela peut s’expliquer par la multitude d’obstacles administratifs et politiques qui empêchent la mise en œuvre de stratégies applicables à l’ensemble de l’économie.
De même, des exemples montrent que la réduction des subventions pour les activités à fortes émissions de gaz à effet de serre peut permettre des réductions d’émissions.
Depuis le précédent rapport (2007), il y a eu une très forte hausse du nombre de plans et de stratégies de réduction des émissions de gaz à effet de serre, aux niveaux nationaux et infranationaux.
Les mesures de sensibilisation
Des mesures réglementaires [normes d’efficacité énergétique) et de sensibilisation [étiquetage énergétique, etc.] ont largement été mises en oeuvre à grande échelle. Dans de nombreux cas, elles ont prouvé leur efficacité.
Les systèmes de quotas et d’échanges
Depuis le précédent rapport (2007), des systèmes de quotas et d’échanges ont été mis en place dans certaines régions et certains pays. Mais dans l’ensemble, leur effet à court terme s’est avéré limité, en raison de l’absence de mise en application d’un plafonnement rigoureux et ambitieux, rendant le système trop peu contraignant.
Les politiques fiscales
Des politiques fiscales visant spécifiquement à réduire les émissions de gaz à effet de serre ont, dans certains pays, contribué à affaiblir le lien entre les émissions de gaz à effet de serre et la croissance économique.
La convention cadre des Nations Unis pour les changements climatiques (CCNUCC) est le principal forum multilatéral concentré sur le traitement du changement climatique, avec une participation quasiment universelle des pays.
Les activités de la CCNUCC depuis 2007 ont conduit à un nombre croissant d’institutions et d’autres dispositions pour la coopération internationale sur le changement climatique.
Les mises en relation politique via les politiques climatiques régionales, nationales et infranationales présente des avantages potentiels pour l’atténuation du changement climatique et pour l’adaptation.
Différentes initiatives régionales entre les échelles nationales et mondiales sont en cours de développement ou de mise en œuvre, mais leur impact sur l’atténuation mondiale a été jusqu’à présent limité.